Les voyages sont nécessaires à la jeunesse pour apprendre à vivre dans le monde.

Antoine Furetière

Les compagnons de voyage d'Augustus Egg.
Les compagnons de voyages d'Egg exposé au Birmingham Museum and art gallery (1862).

Les compagnons de voyage selon Bryan Talbot.
Grandville - Tome 1 de Talbot (Case 2 page 17, sans les bulles).

Dans le comics book Grandville - Tome 1 (Talbot, Milady) Bryan Talbot pastiche une toile d'Augustus Egg, Les compagnons de voyage, sur une planche de sa BD. En premier plan, on retrouve Ratzi et Lebrock; et en second plan, la transposition du tableau mettant ici en scène le voyage en train des héros vers Paris par le Trans-Manche.

Le comics britannique Grandville est une excellente série dans la grande tradition des BDs anthropomorphes tel que Blacksad. Son héros, l'inspecteur Lebrock, quasi tout droit sorti d'un croisement des univers de Conan Doyle et Tarantino, évolue dans un monde steampunk. Le titre, Grandville, est un hommage au caricaturiste français Jean-Jacques Grandville, qui par ses illustrations anthropomorphiques, a fait plus qu'inspirer le travail de Bryan Talbot sur cette série.

 

Le peintre britannique de l'époque victorienne, Augustus Leopold Egg (1816-1863), a peint ce tableau en 1862. La vue sur la côte éclairée par le soleil est celle de Menton dans le sud de la France. Ville en vogue à l'époque victorienne pour sa station thermal. Le mouvement du train est habillement suggéré par le balancement subtil du pompon du rideau de la fenêtre centrale.

Cette peinture est fascinante en raison de son image en miroir de ces deux femmes habillées à l'identique. Elles s'affrontent dans l'espace confiné d'une voiture de chemin de fer. La symétrie axiale presque parfaite met bien en évidence ses différences (Oui, je sais cette phrase est tordue mais tu as l'habitude ! ^^) telles que: le panier de fruits et le bouquet de fleurs, la femme somnolant et l'autre lisant...

Il y a plusieurs théorie expliquant cette fausse symétrie. Cet effet miroir peut vouloir dire qu'il n'y en fait qu'une seule femme et qu'il s'agit d'une projection de son futur et de son passé. L'une rêve de son avenir et l'autre relit son histoire passée. D'autres pensent qu'il s'agit d'une opposition entre l'inaction et l'action, l'oisiveté et l'instruction... Il y en a même qui y voit une connotation sexuelle (Les pervers ! ^^). La jeune fille à gauche serait réveillée sexuellement, et l'autre à droite serait encore vierge. Les fleurs symbolisant la virginité et la vertu sexuelle, alors que le panier de fruits incarne le péché du fruit défendu et donc la perte de l'innocence. La -chaudasse- endormie a retiré ses gants (la vicieuse ! ^^) et expose son cou désirable, alors que l'autre -intello coincé du cul- est plongée dans son livre et a gardé ses gants. Les chapeaux, l'un protège l'entre jambe de la pucelle alors que l'autre est excentré (laissant place nette. La cochone ! ^^). La forme des hublots suggère celle d'un calice, symbole traditionnel de l'utérus et de la fertilité. Là encore, on peut penser que ses deux jeunes filles n'en sont qu'une seule et unique et que cette peinture évoque la transition entre l'innocence sexuelle et la maturité sexuelle: l'éducation sexuelle. Mais au final toutes ses hypothèses se recoupent sans jamais se contredire, je pense même qu'elles coïncident (mêmes si certains annalistes sont quand même bien dépravés ! ^^).

Il n'y a pas de délire d'interprétation puisque toute interprétation est un délire.

Clément Rosset | La logique du pire

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