Quand la réalité dépasse de loin, la fiction...

Caricature de William Fischer (Philippe Berthet).

Dans le second cycle de la série Pin-Up (Berthet et Yann • Dargaud) Philippe Berthet croque William Fischer et lui fait jouer son propre rôle d'espion russe infiltré aux Etats-Unis. Dans la BD, les auteurs le nomme Rudolf Abel qui est dans la réalité une fausse identité usurpée à un des ces collègues mort, mais Berthet et Yann n'en font pas mention car ça compliquerait trop l'intrigue.
(L'image est tirée du Tome 6, planche 40, case 7).

Dans cette fiction et dans la réalité William Fischer alias Rudolf Abel sert de monnaie d'échange aux Etats-Unis pour libérer le pilote américain Gary Powers alias le mari de Dottie. Echange qui clôture le second cycle de cette excellente série.

 

William Guenrikhowitsch Fischer (1903-1971) a été le chef d'un réseau clandestin d'espions soviétiques aux Etats-Unis sous les noms de code Frank puis Marc, ainsi que sous les identités usurpées d'Andrew Kayotis, de Martin Collins et d'Emil Robert Goldfus. Lors de son arrestation par le FBI et de son procès aux Etats-Unis en 1957, Fischer a usurpé l'identité d'un autre collègue du KGB, le lieutenant-colonel Rudolf Ivanowitsch Abel mort en 1955, la gardant pour le restant de sa vie.

En effet, trahi par son opérateur radio Hayhanen, Fischer est arrêté en 1957 par le FBI. Durant son interrogatoire, après avoir essayé diverse tactique pour se disculper et échapper à la chaise électrique, il admet finalement être un ressortissant soviétique mais donne l'identité usurpée d'un autre collègue tchékiste, le lieutenant-colonel à la retraite Rudolf Abel, mort à Moscou en 1955. Les preuves contre Fischer/Abel ne sont pas directes et irréfutables. Certes, Hayhanen l'a dénoncé, mais la personnalité de ce témoin est trouble. Certes, le FBI a trouvé du matériel d'espionnage dans son studio, mais ne l'a jamais pris en flagrant délit d'espionnage, ni arrêté ses contacts, ni trouvé ses sources secrètes. Finalement, Fischer/Abel est condamné à 30 ans de prison et échappe à la peine de mort.

Le 10 février 1962 Fischer/Abel est échangé sur le pont de Glienicke, à la frontière entre Potsdam et Berlin-Ouest, contre un agent de la CIA, le capitaine Francis Gary Powers, pilote américain abattu au-dessus du territoire de l'URSS en 1960. Cet échange a fait connaître dans le monde entier l'identité de Rudolf Abel usurpée par le colonel du KGB William Fischer qui, de son côté, est resté dans l'anonymat total pendant des décennies encore.

Après un très court séjour en RDA, William Fischer est parti en URSS pour y passer le reste de sa vie. L'ironie du sort a voulu que jusqu'à la fin de sa vie, William Fischer soit connu uniquement sous le nom usurpé de Rudolf Abel. En 1990 un timbre soviétique commémoratif est émis où le portrait de Fischer figure encore sous le nom de Rudolf Abel. Même actuellement il est toujours classé par le SVR sous cette fausse identité. La gloire, même amère, n'a jamais vraiment rattrapé William Fischer et est allée pour toujours à Rudolf Abel. Même sur la tombe de William Fischer au cimetière du monastère Donskoï à Moscou est inscrit également le nom usurpé de Rudolf Abel, faisant croire que les deux sont enterrés ensemble.

PS: On dit que les agents du contre-espionnage du KGB se relevaient pendant les derniers mois près du lit de Fischer mourant du cancer dans l'espoir d'entendre une confession éventuelle de son recrutement comme agent double par le FBI entre 1957 et 1962. Sa fille Evelyn a rapporté que les derniers mots du colonel du KGB William Fischer étaient en anglais: "N'oublie pas que nous sommes des Allemands avant tout...", l'Allemagne étant le pays d'origine du vrai Abel.

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