Tchang était un garçon exceptionnel, il m'a fait découvrir la poésie chinoise, l'écriture chinoise. Le vent et l'os, le vent de l'inspiration et l'os de la fermeté graphique. Pour moi ce fut une révélation. Je lui dois d'avoir mieux compris le sens de la poésie, le sens de la nature.

Hergé

Caricature de Tchang Tchong-Jen (Hergé).

Dans Tintin et Milou - Tome 5 - "Le Lotus bleu" (Hergé, Casterman) Hergé caricature Tchang Tchong-Jen (aussi traduit Zhang Chongren) et lui donne le rôle de Tchang Tchong-Jen, un jeune chinois dont Tintin fait la connaissance en lui sauvant la vie.
(L'image est tirée de la page 44, case 13).

L'Abbé Léon Gosset, aumônier des étudiants chinois de l'Université de Louvain s'inquiétant de voir Hergé truffer sa prochaine aventure de Tintin, Le Lotus bleu, de clichés rétrogrades et colonialistes sur la Chine, le met en relation avec Tchang Tchong-Jen. Le jeune artiste asiatique devient vite un ami du célèbre auteur belge et il lui explique les coutumes chinoises faisant fi des stéréotypes dont on dispose alors dans la petite bourgeoisie catholique conservatrice européenne de l'époque. Il participe même à l'écriture de l'album, écrivant de vraies phrases en chinois sur les affiches représentées par Hergé, contenant pour la plupart une violente dénonciation de l'impérialisme japonais et occidental. L'apport de Tchang est immense: Le Lotus bleu est la première aventure de Tintin pour laquelle Hergé s'est réellement documenté, une démarche qu'il conservera ensuite dans tous ses albums. Cette rencontre est tellement importante pour Hergé qu'il crée dans Le Lotus bleu un nouveau personnage, Tchang, auquel il donne le nom de son ami, ce qu'il n'avait jamais fait et ne refera jamais.

 

Zhang Chongren (ou Tchang Tchong-Jen selon les transcriptions) (1907-1998) était un artiste sculpteur chinois. Après le décès de ses parents, il grandit à l'orphelinat tenu par les jésuites français, où il apprend la langue de Molière, puis poursuit Ecole d'art de Tou-Sè-Wè. A partir de 1928, il travaille dans l'industrie du cinéma et dans des journaux locaux. Il part pour la Belgique en 1931 et suit des cours à l'Académie des beaux-arts de Bruxelles. C'est là, en 1934, part l'intermédiaire de l'Abbé Léon Gosset, qu'il se lie d'amitié avec Hergé.

En 1935, Zhang quitte la Belgique et voyage en Europe avant de rentrer en Chine en 1936, où il organise des expositions pour présenter ses œuvres et fonde les Studios Chongren. Hergé perd le contact avec lui pendant la Seconde Guerre mondiale. Il lui écrit de nombreuses lettres, mais il n'obtient jamais de réponse. Sa déception trouvera un écho dans les efforts surhumains de Tintin pour retrouver Tchang dans Tintin au Tibet.

Durant la Révolution culturelle, dans la seconde moitié des années 1960, Zhang en est réduit à se faire balayeur. Puis, il est nommé directeur de l'Académie des Beaux-Arts de Shanghai dans les années 1970. Après 1979 et la libéralisation économique de la Chine, il reçoit une large reconnaissance dans le monde de l'art chinois. Une collection de ses peintures et de ses sculptures est publiée, tandis qu'il édite et traduit de nombreux livres d'art. Il a notamment sculpté des bustes de Deng Xiaoping et François Mitterrand.

Ce n'est qu'en 1981, peu de temps avant sa mort, qu'Hergé revoit Zhang. Celui-ci est invité par le gouvernement français à l'occasion d'un anniversaire. Bien que surmédiatisées, les retrouvailles sont très touchantes. En 1985, Zhang reçoit la nationalité française. Il meurt à Paris le 8 octobre 1998. Peu après sa mort, un musée lui a été dédié à Shanghai. Certaines de ses peintures et de ses sculptures sont exposées au Musée chinois des beaux-arts de Pékin et au Musée chinois de la guerre révolutionnaire.

PS: Le nom en sinogrammes de Zhang Chongren 張充仁 apparait plusieurs fois en marge droite de la couverture du Petit vingtième pendant la publication du Lotus bleu.
PPS: Tout le monde s'en balance, mais Tchang et la 500e caricature exposé sur ce blog.

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