Jeu, set et meurtre
08 sept. 2025Ceci est l'enfer. Quelles sont les règles en enfer ?
Jang Deok-su (N°101) interprété par Heo Sung-tae | Squid Game
Squid Game - Saison 1 d'Hwang Dong-hyuk (2021).
Knights of the Dinner Table #295 de Jolly Roger Blackburn (Couverture).
Dans le comic book Knights of the Dinner Table #295 - "Squid Hack" (Blackburn • Kenzer and Company) Jolly Roger Blackburn parodie l'affiche de la saison 1 de la série TV Squid Game créé par Hwang Dong-hyuk sur la couverture de sa BD. Ici, la poupée géante est remplacée par Boris Alphonzo et les participants du Squid Game numéros: 101 (Heo Sung-tae), 218 (Park Hae-soo), 199 (Anupam Tripathi), 456 (Lee Jung-jae), 067 (Jung Ho-yeon) et 001 (O Yeong-su) se transforme en: Brian van Hoose, Bob Herzog, Dave Bozwell et Sara Felton.
Vous avez sûrement entendu parler de Squid Game, même si vous vivez dans une grotte. Cette série sud-coréenne a littéralement mis la toile à genoux, et vient de tirer sa révérence avec une ultime troisième saison disponible depuis le 27 juin 2025. Sortie le 17 septembre 2021 sur Netflix, la série est devenue en quelques semaines un véritable phénomène planétaire, pulvérisant tous les records. Mais comment une histoire aussi sombre, centrée sur des jeux d'enfants mortels, a-t-elle pu captiver des centaines de millions de spectateurs ?
L'histoire de la genèse de Squid Game est presque aussi fascinante que la série elle-même. Son créateur, Hwang Dong-hyuk, a écrit la première version du script... en 2008 ! A l'époque, il traversait lui-même des difficultés financières. Il a puisé dans cette précarité et dans sa passion pour les mangas de survie (comme Battle Royale ou Liar Game) pour imaginer ce concept. Il boucle le scénario en 2009, initialement comme un film. Pendant plus de dix ans, son projet a été refusé par tous les studios. Le verdict était unanime: l'histoire était jugée "trop grotesque, complexe et irréaliste". Il a fallu attendre l'avènement des plateformes de streaming, et notamment l'appétit de Netflix pour les contenus audacieux et internationaux, pour que le projet voie enfin le jour. Une belle leçon de persévérance !
Tentés par un prix alléchant en cas de victoire, des centaines de joueurs désargentés acceptent de s'affronter lors de jeux pour enfants aux enjeux mortels.
AlloCiné | Squid Game
Le concept de Squid Game est d'une simplicité diabolique. 456 personnes, toutes criblées de dettes et au bout du rouleau, reçoivent une mystérieuse invitation. On leur propose de participer à une série de jeux d'enfants traditionnels coréens pour tenter de remporter une somme astronomique: 45,6 milliards de wons (environ 33 millions d'euros). Mais ici, perdre ne signifie pas être éliminé, mais être... littéralement éliminé de la surface de la Terre. Cette prémisse glaçante sert de toile de fond à une critique acerbe du capitalisme, de la compétition à outrance et des inégalités sociales qui rongent la société moderne.
Hwang Dong-hyuk n'est pas seulement le scénariste, il est aussi le réalisateur de tous les épisodes. Cette double casquette lui a permis d'avoir une vision totale et cohérente sur son œuvre, ce qui se ressent à l'écran.
Le casting est aussi une des plus grandes forces de la série. Lee Jung-jae, immense star en Corée du Sud, incarne avec une humanité poignante Seong Gi-hun (le joueur 456), un loser attachant qui devient le cœur moral de l'histoire. Park Hae-soo joue son ami d'enfance, Cho Sang-woo, l'archétype du golden boy déchu, dont le pragmatisme froid fait froid dans le dos. La série a également révélé des talents bruts, comme le mannequin Jung Ho-yeon (Kang Sae-byeok - Joueur 067), qui pour son tout premier rôle livre une performance d'une intensité rare, ou le vétéran du théâtre O Yeong-su (le vieil homme Oh Il-nam - Joueur 001), dont le personnage est au centre de bien des mystères. L'alchimie entre ces acteurs, dirigés avec une précision chirurgicale, donne vie à des personnages complexes pour qui l'on tremble à chaque épreuve.
La direction artistique de Squid Game est un cas d'école. Loin des teintes sombres et désaturées typiques du thriller, la série explose de couleurs vives et saturées. Le contraste est permanent. Les décors des jeux sont gigantesques, presque enfantins (le terrain de "1, 2, 3, soleil", les formes géométriques colorées), mais la violence qui s'y déroule est crue et brutale. Cette dissonance cognitive crée un malaise constant chez le spectateur. Les fameux escaliers labyrinthiques, inspirés des œuvres de M.C. Escher, symbolisent parfaitement la perte de repères et l'absurdité de la situation des participants.
Composée par Jung Jae-il, la musique est tout aussi iconique. Le thème principal, Way Back Then, avec sa mélodie entêtante jouée à la flûte à bec, est devenu reconnaissable entre mille. Mais le coup de génie est l'utilisation de grands morceaux de musique classique, comme Le Beau Danube Bleu de Strauss, pour accompagner des scènes de massacre. Ce décalage entre l'élégance de la musique et l'horreur des images renforce le cynisme absolu des organisateurs du jeu.
Quelques anecdotes croustillantes... Le numéro de téléphone visible sur la carte d'invitation dans le premier épisode appartenait à une personne réelle, qui a reçu des milliers d'appels et de SMS après la diffusion. Netflix a dû éditer les scènes pour le masquer. La poupée géante du premier jeu est une vraie statue. Elle a été exposée temporairement dans un musée en Corée du Sud après le succès de la série. Pour le défi du Dalgona avec les biscuits en sucre (ppopgi), la production a engagé un professionnel qui a préparé les gâteaux directement sur le plateau pendant le tournage pour garantir leur fraîcheur et leur fragilité.
Dès sa sortie, Squid Game a reçu un accueil critique dithyrambique, louant son scénario, sa réalisation et sa portée sociale. Le succès public a été encore plus spectaculaire, devenant la série la plus regardée de l'histoire de Netflix. Mais au-delà des chiffres, Squid Game a laissé une empreinte culturelle indélébile. Les costumes sont devenus des best-sellers pour Halloween, les jeux ont été reproduits sur toutes les plateformes (de TikTok à YouTube) et la série a remporté des prix prestigieux, dont des Emmy Awards historiques pour son réalisateur et son acteur principal, une première pour une production non-anglophone.
Squid Game, c'est bien plus qu'une série à binge-watcher sous la couette: c'est un phénomène culturel intergénérationnel, aussi glaçant que captivant, qui laisse une trace indélébile... et peut-être vous fera-t-il regarder vos copains de récré (ou de bureau) d'un œil un peu plus méfiant, la prochaine fois qu'on vous proposera de jouer à 1, 2, 3, soleil.
##002827##Savez-vous ce que les gens qui n'ont pas d'argent ont en commun avec ceux qui en ont trop ? Vivre n'est pas amusant.
Oh Il-nam (N°001) interprété par O Yeong-su | Squid Game