Il y a des gens qui ont les yeux en magasin, mais pas l'esprit.

Gilbert Montagné

Le vielleur de Georges De La Tour.
Le vielleur de De La Tour exposé au musée des Beaux-arts de Nantes (1630).

Le vielleur selon André Houot.
Hamelin de Houot (Page 2, case 1).

Dans Hamelin (Houot, Glénat) André Houot rend hommage à la toile de Georges De La Tour, Le vielleur, sur une planche de sa BD. Ici le vielleur est remplacé par un vieux colporteur joueur de vièle narrant aux badauds la tragique mésaventure dont il a été témoin enfant. Ce dramatique récit est en faite la légende du Joueur de flûte de Hamelin dont cette BD est une adaptation très réussi.

 

Le vielleur, dit aussi Le vielleur au chapeau, ou Le vielleur à la mouche, n'est pas signé. Ce tableau a été acquis en 1810 par la ville de Nantes comme une des pièces les plus estimées de la collection Cacault et placé dans le cabinet du maire, à l'hôtel de ville. En 1830, il a été transféré au Musée des Beaux-arts, au moment de sa création. Vers 1860, un nettoyage aurait fait disparaître du fond.

En 1810, il était attribué à Murillo, ce qui fut mis en doute par Mérimée en 1835. En visitant le musée en 1837, Stendhal le décrit dans un passage célèbre des Mémoires d'un touriste: "Ignoble et effroyable de vérité, tableau espagnol attribué à Murillo. Il n'est pas sans mérite, coloris sage, expression vraie... Peut-être est-il de Vélasquez, qui, à son début, s'essaya dans les sujets vulgaires". Le nom de Murillo est maintenu dans les catalogues, jusqu'en 1903. Ensuite, c'est la confusion et après des débats l'attribuant successivement à Vélasquez, Zurbaran... c'est le nom de Georges de La Tour (1593-1652) qui est proposé en 1923. Les spécialistes se mettent d'accord pour l'exposition Les peintres de la réalité, en 1934 à Paris où le tableau est admis comme un Georges de La Tour. Il s'agirait d'une œuvre des ses débuts vers 1630. On peut la rapprocher de la Rixe des mendiants du Musée de Chambéry dans lequel on voit aussi un aveugle joueur de vielle.

Se détachant sur un fond sombre, un pauvre vieillard aveugle chante, en s'accompagnant d'une vielle. L'instrument est élégamment décoré et rendu avec une grande précision. Le musicien tourne la manivelle de sa main droite, ce qui actionne une roue sur laquelle passent les cordes; il appuie sur les touches de sa main gauche. Le musicien est assis de biais, les jambes croisées, sur un gros bloc de pierre. D'autres pierres, plus petites, délimitent l'espace, derrière lui, sur sa droite, et devant au premier plan. Il a posé sur l'une d'elles son chapeau rouge garni de plumes. Une mouche peinte en trompe-l'œil au-dessous du ruban rouge explique le titre longtemps donné á ce tableau: Le vielleur à la mouche.

L'équilibre du tableau repose sur le jeu des obliques et des courbes: grande oblique de la jambe gauche qui forme un angle avec celle de la manivelle. Un grand arc de cercle allant de la tête au genou gauche, arrondit la composition et enveloppe l'ensemble de la scène dans les courbes amples et douces du manteau. Ces lignes de composition créent une impression d'élégance et donnent au personnage une certaine noblesse. Ce tableau est classé parmi les -diurnes- de Georges de La Tour, mais il y a un travail de la lumière tellement subtil qu'on ne sait trop s'il fait jour ou s'il fait nuit. La lumière vient de la gauche et les ombres sont portées vers la droite, mais certaines parties sont beaucoup mieux éclairées que d'autres.

Le réalisme de ce tableau est criant. Le soin avec lequel est peint dans les moindres détails l'aveugle et son l'instrument, révèle la volonté de sincérité de l'artiste. De la Tour mobilise la vue mais aussi l'ouïe. La mouche que l'on a envie de chasser de la main nous invite à une réflexion sur la fragilité, la décrépitude, mais aussi sur le réel et l'illusion.

Je suis aveugle, mais on trouve toujours plus malheureux que soit, j'aurais pu être noir !

Ray Charles

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