Merci de nous laisser tranquilles, mais de nous accorder suffisamment d'attention pour booster notre ego.

Mick Jagger

Big Hits (High Tide and Green Grass) des Rolling Stones (1966).

The Department of Truth #15 de Romero et Tynion IV (Couverture bis de Nino Cammarata).

Dans le comic book The Department of Truth #15 - "Deviation Four: Point Pleasant" (Romero et Tynion IV • Image Comics) le cover artist Nino Cammarata pastiche la pochette de la compilation Big Hits (High Tide and Green Grass) des Rolling Stones sur une des couvertures alternatives de la BD. On reconnaît aisément les cinq Stones: Brian Jones, Mick Jagger, Keith Richards, Bill Wyman et Charlie Watts, et le dévoreur d'enfants à tête de pentacle se tape l'incruste sous l'eau.

Les croix rouges sur les yeux de Brian Jones jouent sur les théories du complot tournant autour de la mort par noyade du musicien le 3 juillet 1969, alors qu'il venait d'être contraint de quitter les Stones suite à ses problèmes de drogue et judiciaires. Cette couverture est en adéquation avec l'ADN de la série, qui aime détourner les codes de la culture populaire pour les imbriquer dans son univers paranoïaque.

En 1966, les Rolling Stones sont déjà bien plus qu'un simple groupe britannique: ils incarnent la quintessence du rock rebelle, le rival idéal des Beatles, et font vibrer la jeunesse des deux côtés de l'Atlantique. Depuis leurs débuts en 1962 dans les clubs enfumés de Londres, ils ont troqué leurs reprises de blues pour des compositions originales signées Jagger/Richards, imposant leur patte sonore et leur attitude provocatrice. A cette époque, ils enchaînent les tubes en trustant les sommets des charts et en s'attirant autant l'adoration des fans que la méfiance des autorités.

Face à cette avalanche de succès, il devient presque logique pour leur label américain, London Records, de compiler les meilleures cartouches du groupe dans un premier greatest hits: Big Hits (High Tide and Green Grass), sorti le 28 mars 1966 aux Etats-Unis. L'idée ? Offrir sur une seule galette un condensé de la fougue stonienne, à une époque où le format compilation est encore rare pour des groupes aussi jeunes. Le producteur Andrew Loog Oldham orchestre l'ensemble, veillant à ce que la sélection reflète l'énergie brute et la diversité des Stones, tout en misant sur l'accessibilité pour séduire le public américain.

1. (I Can't Get No) Satisfaction
2. The Last Time
3. As Tears Go By
4. Time Is on My Side
5. It's All Over Now
6. Tell Me (You're Coming Back)
7. 19th Nervous Breakdown
8. Heart of Stone
9. Get Off of My Cloud
10. Not Fade Away
11. Good Times, Bad Times
12. Play with Fire

The Rolling Stones | Big Hits (High Tide and Green Grass)

L'édition américaine de l'album aligne 12 titres, couvrant principalement les années 1964-1965, avec deux nouveautés: le tout frais 19th Nervous Breakdown et une version réenregistrée de Time Is on My Side avec une intro guitare. Sinon, on y retrouve les classiques incontournables... (I Can't Get No) Satisfaction, hymne générationnel, riff de guitare légendaire, et paroles qui sentent la frustration adolescente à plein nez. The Last Time, un des premiers grands succès du duo Jagger/Richards, avec son refrain entêtant. Get Off of My Cloud: morceau frénétique, quasi punk avant l'heure, qui invite à laisser les Stones tranquilles (spoiler: personne ne les a jamais vraiment laissés tranquilles). As Tears Go By, la ballade mélancolique qui prouve que les bad boys savent aussi verser une larme. It's All Over Now, Heart of Stone, Not Fade Away, ou encore Tell Me complètent ce best of où chaque piste est un petit concentré d'énergie et de groove.

Impossible de parler de Big Hits sans évoquer sa pochette, devenue iconique. Pour la version US, la photo a été prise par Guy Webster dans le Franklin Canyon Park, dans les collines au-dessus de Beverly Hills. On y voit les cinq Stones, l'air faussement sages, posant au bord du point d'eau.

Dès sa sortie, Big Hits (High Tide and Green Grass) rencontre un succès massif: numéro 3 au Billboard 200, double Disque de Platine aux Etats-Unis, et près de deux ans de présence dans les charts. Les critiques saluent la puissance de la sélection, qui offre "la dose la plus concentrée des Stones à leur apogée", selon AllMusic. Si l'album a été éclipsé par les compilations ultérieures comme Hot Rocks, il reste un témoignage essentiel de la première période du groupe, celle où ils imposent leur style et leur insolence.

Pour les fans, c'est la porte d'entrée idéale dans l'univers Stones: un concentré de tubes, sans temps mort, qui permet de comprendre pourquoi le groupe a tant marqué son époque. Pour les critiques, c'est aussi le symbole d'un passage à l'âge adulte du rock: les Stones, à peine quatre ans de carrière, sont déjà assez incontournables pour mériter leur best of, au même titre que les Beatles la même année.

La bonne musique vient de gens qui jouent ensemble, qui savent ce qu’ils veulent faire et foncent. Vous devez transpirer et vous donner à mort. Vous ne pouvez pas le faire en appuyant sur des boutons et en regardant un écran de télévision.

Keith Richards