La nuit et la ville
28 janv. 2024Une nuit dans une ville. La nuit, c'est celle-ci ou n'importe quelle autre. La ville, c'est Londres.
le narrateur | Les Forbans de la nuit
Les Forbans de la nuit de Jules Dassin (1950).
Tyler Cross - Vintage and Badass de Brüno et Fabien Nury (Page 32).
Dans le hors-série Vintage and Badass: Le cinéma de Tyler Cross (Brüno et Nury • Dargaud) Brüno Thielleux pastiche un plan du film Les Forbans de la nuit de Jules Dassin sur une planche de la BD. On reconnait très bien la caricature et la posture d'Harry Fabian interprété par Richard Widmark à la sauce Tyler Cross.
Les Forbans de la nuit (Night and the City en VO) est un film noir américain réalisé par Jules Dassin et sorti dans les salles obscures le 9 juin 1950. Le scénario est de Jo Eisinger, d'après le roman éponyme de Gerald Kersh. Avec Ce long métrage, le cinéaste Jules Dassin, le père de Joe Dassin, boucle une trilogie de films noirs entamée avec Les Démons de la liberté (1947) et La Cité sans voiles (1948).
Londres. Un petit escroc (Richard Widmark) veut organiser de grands combats de catch. Il se heurte au chef de gang qui a un contrôle absolu sur ces manifestations. C'est alors une course folle dans les bas-fonds de Londres.
AlloCiné | Les Forbans de la nuit
Les Forbans de la nuit est sans aucun doute l'œuvre la plus intense et la plus réussie de Jules Dassin. Son mélange de réalisme avec une vision quasi documentaire de la vie de la faune londoniennes et d'onirisme en font une œuvre baroque proche de la tragédie grecque. Jules Dassin dévoile, sans aucun romantisme, un pessimisme fondamental, sombre et sans espoir sur les vertus de l'homme, toujours prêt à trahir comme il aura pu l'expérimenter lui-même à cette période noire du maccarthysme. Alors sous le coup d'une enquête de la commission des activités antiaméricaines, il tourne les scènes les plus chères en premier afin que le studio ne puisse pas le mettre sur liste noire avant que le film ne soit terminé.
Il utilise un découpage serré, nerveux, des cadrages inhabituels. La photographie en noir et blanc de Max Greenequi est admirable. La très grande habileté du scénario de Jo Eisinger provient du fait que, après avoir établi la formidable capacité de cet individu à tricher, il divulgue progressivement la machiavélique manœuvre dont est victime ce manipulateur qui semblait devoir mener le jeu et qui se fera prendre à son propre piège, la roublardise ne pouvant pas pleinement prendre le pas sur la naïveté. Le tout enrobé par la composition extraordinaire de l'immense Franz Waxman, stridente, exacerbée, syncopée... Un chef-d'œuvre du genre, un film noir de chez noir !
On ne peut qu'admirer ces Forbans de la nuit, où le décor urbain, le plus souvent nocturne, est l'élément essentiel d'une aventure tragique, située dans un milieu social plus ou moins en marge de la légalité. Comme dans ses films américains, Jules Dassin fait preuve d'un vrai don pour la peinture des comportements. Il fait surgir un univers de hantises et de duperies fascinant. Richard Widmark, ni bon ni méchant, en proie à ses chimères, trompant l'un, trompant l'autre, et courant presque tout le temps en souliers blancs, est prodigieux. Tous les personnages sont agités par des passions, des ambitions qui les rongent, les poussent à leur perte. Les scènes finales atteignent à quelque chose de grandiose.
Jacques Siclier | Télérama
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