Les images fixes sont l'arme la plus puissante du monde. Les gens les croient, mais les photos mentent, même sans manipulation. Elles ne sont que des demi-vérités.

Eddie Adams

Photographie l'Exécution de Saigon par Eddie Adams pour le New York Times (1968).
Photographie l'Exécution de Saïgon par Eddie Adams pour le New York Times (1968).

Exécution de Saigon selon Nat Jones.
'68 #1 de Nat Jones, Tim Vigil, et Mark Kidwell (Couverture bis).

Dans le comic book '68 #1 - "And If You Go Chasing Rabbits... Mouths of Babes" (Jones, Vigil, et Kidwel • Image Comics) Nat Jones transpose la photographie Exécution de Saïgon prise par Eddie Adams pour le New York Times paru le 2 février 1968 sur une des couvertures alternatives de sa BD. Ici le capitaine Viêt-Cong Nguyen Van Lem et remplacé par un zombie, et c'est bien connu pour tuer un mort-vivant il faut lui mettre une balle dans la tête.

En 1968, le président Lyndon Johnson annonce qu'il ne se représentera pas, Martin Luther King est tué, son assassin est arrêté quelques mois plus tard, des soldats américains combattent au Vietnam, le peuple proteste contre cette guerre impopulaire,... et les zombies envahissent le monde ! Voici l'uchronie que nous propose la série de comics '68.

 

Un petit coup de contexte historique, nous sommes en 1968 en pleine guerre du Viet Nam, Saïgon est en proie aux affrontements. 5 ans plus tôt, en 1963, le moine bouddhiste Quang Duc s'immolait par le feu sous l'objectif de Malcolm Browne (Si si, tu connais cette photo, elle sert de pochette à l'excellent premier album des Rage against the machine) et 5 ans plus tard la petite Kim Phuc, nue et brûlée vive par un déluge du Napalm photographiée par Nick Ut. Triste entredeux où se déferle la violence.

Ce 1er février 1968, comme des dizaines de villes du Sud-Vietnam, Saïgon est le théâtre depuis la veille d'une insurrection menée par 80 000 combattants communistes du Front National de Libération du Sud-Vietnam, péjorativement appelé Viêt-Cong. L'opération marque le commencement de l'offensive du Têt grâce à laquelle les communistes, appuyés par le Nord-Vietnam, espèrent soulever la population contre le régime du Sud, soutenu par les Etats-Unis.

C'est ici qu'Eddie Adams, photojournaliste américain de 34 ans travaillant pour l'agence Associated Press, a suivi un groupe de Sud-Vietnamiens participant à la contre-attaque. Ses clichés se concentrent bientôt sur un prisonnier communiste, un homme simplement vêtu d'un short et d'une chemise à carreaux.

Arrestation du capitaine Viêt-Cong Nguyen Van Lem.
Arrestation du capitaine Viêt-Cong Nguyen Van Lem.

Le groupe se déplace, s'arrête au milieu de la rue et dans un geste apparemment banal, le général Nguyen Ngoc Loan, chef de la police nationale sud-vietnamienne, pointe le canon de son Smith & Wesson modèle 38 vers la tempe du captif, le capitaine Viêt-cong Nguyen Van Lem, et appuie sur la détente. Au même moment Adams appuie sur le déclencheur de son appareil photo. La victime s'écroule. Le photographe croyait assister à un interrogatoire, il a immortalisé une mise à mort.

Père de deux enfants, Nguyen Van Lem grimace avant de s'effondrer au sol. Son corps ne sera jamais retrouvé à la suite de cette exécution sommaire. Sa veuve donnera naissance à leur 3e enfant 8 mois après ce jour funeste documenté par Eddie Adams qu'elle remerciera plus tard pour avoir conservé une trace de ce qui s'est réellement passé dans cette rue de Saïgon.

Le général se justifie en mentionnant les massacres commis par sa victime, qui aurait tué peu avant son exécution la famille d'un policier qu'il connaissait bien. Il en appellera à la clémence de Bouddha pour cette mise à mort.

Cet homme a tué beaucoup de nos gens et des vôtres (Américain), je pense que Bouddha me pardonnera. Si on hésite, si on ne fait pas son devoir, les hommes ne vous suivent pas.

Général Nguyen Ngoc Loan

Adams ne manquera pas de rappeler que les apparences sont trompeuses, la réalité n'étant jamais aussi manichéenne. Si ce cliché révèle bien la violence et l'atrocité d'une guerre, chacun des hommes se tenant d'un côté de l'autre de l'arme agissait pour ses convictions et la défense des siens, bien que l'un porte l'uniforme et l'autre soit vêtu en civil et sans arme.

Exécution de Saigon par Eddie Adams dans le New York Times (1968).
Exécution de Saïgon dans le New York Times (2 février 1968).

La photographie prise par Eddie quelques secondes avant le coup de feu fera dès le lendemain la Une du New York Times. Elle éveillera les consciences sur l'horreur d'une guerre qui durera encore 5 années avant le retrait des troupes américaines de Lyndon B. Johnson. Le président américain maintient soutenir les bons dans cette guerre interminable mais le cliché d'Adams brouille toutefois les pistes, interroge la population civile et l'opinion publique sur ses certitudes et sur la moralité de l'engagement américain au Vietnam. Cette guerre s'achèvera en 1975 avec la victoire du Nord sur le Sud.

Au grand regret d'Eddie Adams, cette photo deviendra l'emblème de son œuvre. Et comme le cliché de Nick Ut, Exécution de Saïgon vaudra à son auteur le Prix Pulitzer en 1969 et le World Press Photo Awards. Dans une guerre qui est aussi une guerre des images, cette photographie tristement célèbre, si elle n'a pas changé le cours de l'Histoire, en forge assurément la mémoire.

Eddie Adams est mort en 2014, à 71 ans, de la maladie de Charcot. Il laisse derrière lui un travail et une œuvre immense comme la mise en lumière des plus démunis et ses photos de sans-abris, un portrait de Mère Teresa ou encore des images de manifestations pacifistes.

Deux personnes sont mortes dans cette image: celle visée par la balle et le général Nguyen Ngoc Loan. Le général a tué le Viêt-Cong; j'ai tué le général avec mon appareil photo. Les photographies ne sont que des demi-vérités. Ce que la photo ne disait pas, c'est: "Qu'est-ce que vous auriez fait si vous aviez été le général au même endroit et au même moment, lors de cette chaude journée, et que vous aviez attrapé ce sale type après qu'il a tué un, deux ou trois soldats américains ?" Je ne dis pas que ce qu'il a fait était juste, mais vous devez vous mettre à sa place.

Eddie Adams

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