Trois types et un supplice
25 juin 2025Pilate, voyant que cela ne servait à rien, mais qu'il en résultait plutôt du tumulte, prit de l'eau et se lava les mains devant la foule en disant : je suis innocent du sang de ce juste.
Evangile de Saint Matthieu (27:24)
La Flagellation du Christ de Piero della Francesca exposé à la Galleria Nazionale delle Marche (1459).
La vision de Bacchus de Jean Dytar (Page 24, case 5).
Dans La vision de Bacchus (Dytar • Delcourt) Jean Dytar parodie le tableau La Flagellation du Christ de Piero della Francesca sur une des planches de sa BD. Ici, en premier plan, les trois personnages sont remplacés par Pasqualino, Anna et Barbarelli.
L'évocation de Piero della Francesca est discrète. La case 5, en effet, est composée en m'inspirant du tableau de Piero della Francesca, la Flagellation du Christ, l'une des œuvres emblématiques de la construction d'un espace en perspective à la Renaissance. Le point de fuite est situé au même endroit, et les trois personnages au premier plan en sont les réminiscences les plus visibles. A l'arrière-plan, le Christ a été transformé en joueuse de luth et le bourreau en danseur ! Je ne pouvais conserver un décor aussi particulier que celui du tableau de Piero, pour les nécessités du récit et aussi par souci de lisibilité, ce qui empêche sans doute une identification évidente avec ce tableau, même pour un œil averti.
A titre anecdotique, je me suis amusé avec les trois personnages du premier plan : dans la Flagellation du Christ, leur présence reste une énigme pour les historiens de l'art. On ne sait pas qui ils représentent, et les spéculations restent ouvertes. Dans ma case, le lecteur, à ce moment de la lecture, ne connaît que Monsieur Pasqualino, vêtu de rouge. L'homme et la femme à qui il s'adresse n'ont encore été jamais vus. Ils auront pourtant un rôle majeur dans le récit...Jean Dytar
Nous sommes en plein Quattrocento, à une époque où l'Italie ressemble à une partie d'échecs entre cités rivales, papes ambitieux et menaces ottomanes. C'est dans ce contexte que le cardinal Bessarion commande le tableau, espérant convaincre Frédéric III de Montefeltro, duc d'Urbino, de se lancer dans une croisade contre les Turcs. Bref, la peinture comme arme diplomatique, on ne fait pas plus Renaissance. Mais attention, rien n'est simple: certains chercheurs pensent que l'œuvre aurait aussi pu être réalisée pour commémorer la mort tragique d'Oddantonio da Montefeltro, frère du duc, assassiné dans des circonstances troubles. On est loin de la simple scène pieuse destinée à la méditation des fidèles !
Piero della Francesca (~1412-1492) peint La Flagellation du Christ en 1459. Cette tempera sur bois de peuplier mesure 58,4 sur 81,5 centimètres. L'artiste y déploie une maîtrise absolue de la perspective linéaire, des jeux de lumière subtils et une palette sobre mais raffinée, dominée par des tons froids et des harmonies délicates. Le tableau frappe par son format modeste, presque intime, qui contraste avec la complexité de la mise en scène et la portée symbolique du sujet.
La scène se divise en deux espaces: à gauche, la flagellation du Christ dans une loggia antique, à droite, trois personnages en pleine discussion. Cette séparation spatiale, renforcée par une rigueur architecturale digne d'Alberti, crée une tension et une modernité qui fascinent encore aujourd'hui.
A gauche, sous une loggia, le Christ est attaché à une colonne, stoïque face à la flagellation. Ponce Pilate, assis de profil, observe la scène avec une indifférence glaciale. Autour, bourreaux et assistants vaquent à leur sinistre besogne, dans une atmosphère étrangement calme, presque clinique. Le personnage enturbanné est parfois identifié comme Hérode et parfois comme simple spectateur oriental.
A droite, au premier plan, trois hommes discutent. Qui sont-ils ? Mystère. Leur attitude détachée, presque mondaine, contraste violemment avec la tragédie qui se joue à quelques mètres. Ce décalage crée un effet de distanciation qui a fait couler beaucoup d'encre chez les historiens de l'art. Certains y voient Oddantonio da Montefeltro et ses ministres, victimes et responsables d'un complot politique. D'autres y lisent une allégorie de l'Eglise d'Orient, de l'Occident et de la réconciliation espérée entre les deux. Et pour les amateurs de spiritualité, ces figures incarneraient l'âme humaine dispersée dans le temps, selon une lecture inspirée de Saint Augustin.
Après avoir été mentionné dans l'inventaire de la sacristie d'Urbino en 1744, le tableau a été conservé dans la ville, passant par diverses restaurations, dont certaines un peu maladroites. Aujourd'hui, il trône à la Galleria Nazionale delle Marche à Urbino, où il attire les amateurs d'art du monde entier.
A son époque, l'œuvre n'a pas fait l'unanimité: trop complexe, trop savante, trop... énigmatique pour un public habitué à des scènes religieuses plus directes. Mais elle a fasciné les érudits et les humanistes, qui y voyaient un sommet de l'art de la perspective et un manifeste de l'esprit nouveau de la Renaissance. Depuis, La Flagellation du Christ est devenue l'une des œuvres les plus commentées et débattues de l'histoire de l'art. Son influence sur la peinture de la Renaissance est immense, et elle continue de nourrir les recherches et les fantasmes des historiens.
##002752##Les rois de la terre se sont soulevés, et les gouvernants se liguèrent contre le Seigneur, et contre son oint. Car en vérité, contre le saint Enfant Jésus, que tu as oint, Hérode et Ponce Pilate, se sont ligués dans cette ville avec les nations et le peuple d'Israël.
La Bible (Actes, IV, 26 et 27)