Vénus invisible
03 févr. 2025Giorgione n'était pas un de ces hommes qui se font une habitude de pensées douces; au contraire, sa peinture était vivace et passionnée.
Alexandre Dumas
Vénus endormie de Giorgione exposée à la Gemäldegalerie Alte Meister de Dresde (1510).
La vision de Bacchus de Jean Dytar (Page 85, case 1).
Dans La vision de Bacchus (Dytar • Delcourt) Jean Dytar pastiche la toile Vénus endormie de Giorgione sur une des planches de sa BD. Ici, l'arrière-plan du tableau sert à planter le décor du lieu de naissance que Dytar prête à Giorgione.
La Vénus endormie, également connue sous le nom de Vénus de Dresde, est une œuvre emblématique de la Renaissance italienne, réalisée vers 1510. Ce tableau, traditionnellement attribué à Giorgione (1477-1510), a été achevé et en partie repeint par Le Titien (1488-1576) après la mort de Giorgione. Ce dernier aurait ajouté un certain nombre d'éléments, notamment la draperie au premier plan. Actuellement conservée à la Gemäldegalerie Alte Meister de Dresde en Allemagne, cette peinture a marqué l'histoire de l'art en introduisant le genre du nu féminin allongé dans la peinture occidentale.
Le tableau est généralement identifié comme celui décrit par Marcantonio Michiel dans la collection de Girolamo Marcello, membre d'une grande famille vénitienne, en 1525. Il est probable que Marcello ait commandé cette œuvre pour célébrer son mariage en 1507. La figure de Vénus aurait été choisie pour souligner les prétentions de la famille Marcello à descendre de la lignée de la déesse, comme célébré dans l'Enéide.
L'histoire de la Vénus endormie est aussi fascinante que complexe. Longtemps, l'attribution de cette œuvre a fait l'objet de débats parmi les historiens de l'art. Initialement attribuée à Giorgione avec un paysage complété par Le Titien, cette double paternité a longtemps été acceptée. Cependant, au fil des siècles, l'attribution a connu plusieurs changements. En 1695, le tableau a été acheté pour Auguste II de Saxe en tant qu'œuvre de Giorgione. En 1722, il était décrit comme une œuvre du Titien. En 1856, il a été considéré comme une copie de Giovanni Battista Salvi d'après Le Titien. Au XXIe siècle, de nombreux experts considèrent que la figure nue de Vénus a également été peinte par Le Titien, laissant la contribution de Giorgione incertaine.
La peinture montre une évolution stylistique et technique. Des radiographies ont révélé les modifications. Le paysage a été modifié des deux côtés au cours de sa réalisation. La coloration de la draperie a été changée. La tête de Vénus était initialement vue de profil, similaire à la Vénus du Prado du Titien.
Vénus est représentée nue dans un cadre naturel. Les lignes de son corps répondent à celles des collines. Sa belle tête repose sur son avant-bras. Sa main gauche est posée sur son pubis, les doigts repliés vers l'intérieur des cuisses qui évoquent la pose de l'Aphrodite pudique. Elle est allongée et endormie dans un paysage ouvert, sur un drap blanc et un coussin recouvert d'un drap rouge. Le paysage comprend des maisons à droite, identiques à celles du Noli me tangere du Titien, et des montagnes à l'horizon à gauche. La masse rocheuse, derrière la tête de Vénus, suggère un ravin.
La Vénus endormie a eu un impact considérable sur l'histoire de l'art. Elle a établi le genre de la "pastorale mythologique érotique". Elle a inspiré de nombreuses œuvres ultérieures, notamment la Vénus d'Urbin du Titien en 1534. Le nu féminin allongé est devenu un trait distinctif de la peinture vénitienne.
La Vénus endormie reste une œuvre majeure de la Renaissance italienne, marquant un tournant dans la représentation du nu féminin et influençant des générations d'artistes. Son histoire complexe, mêlant les talents de Giorgione et du Titien, en fait un sujet fascinant pour les historiens de l'art, tandis que sa beauté et son symbolisme continuent de captiver les spectateurs à travers les siècles. Manet, par exemple, détournera le thème en 1863 avec son Olympia.
##002609##Giorgione? L'un des plus singuliers et les plus passionnants mystères de l'histoire de la peinture.
André Chastel | Giorgione, l'insaisissable
Commenter cet article