La balançoire frivole
17 nov. 2023La vie n'est pas seulement une balançoire; c'est une balançoire qui va de travers.
Doury
Les Hasards heureux de l'escarpolette de Jean-Honoré Fragonard exposé à la Wallace Collection de Londres (1769).
Les lumières de la France - Tome 1 de Joann Sfar (Bonus de fin d'album).
Dans Les lumières de la France - Tome 1 - "La Comtesse Eponyme" (Sfar • Dargaud) Joann Sfar parodie la toile Les Hasards heureux de l'escarpolette de Jean-Honoré Fragonard dans son carnet d'illustrations à la fin de l'album. Ici, la jeune femme sur l'escarpolette est remplacée par la comtesse Eponyme.
Les Hasards heureux de l'escarpolette est une huile sur toile dans le style Rococo représentant une scène galante peinte par Jean-Honoré Fragonard (1732-1806) entre 1767 et 1769. Ce tableau est une œuvre très célèbre de l'artiste. Une jeune femme en robe rose se balance, dévoilant ses jambes à son amant et tournant le dos à son vieux mari dans l'ombre. C'est une toile empreint d'une certaine légèreté et de frivolité.
Le 2 octobre 1767, le peintre Gabriel-François Doyen (1726-1806) fait une confidence au dramaturge Charles Collé (1709-1783) en lui rapportant qu'un homme de la Cour a voulu lui passer commande d'un tableau en ces termes:
Je désirerais que vous peignissiez madame [en montrant sa maîtresse] sur une escarpolette qu'un évêque mettrait en branle. Vous me placerez de façon, moi, que je sois à portée de voir les jambes de cette belle enfant, et mieux même si vous voulez égayer davantage votre tableau.
Le mystérieux commanditaire
Surpris qu'on s'adresse à lui pour un tel sujet, Doyen décline l'offre, et oriente le commanditaire vers Fragonard, lequel hésite tout de même à faire jouer à un évêque le rôle indiqué, ce qui pourrait nuire à sa carrière, et convainc son client de remplacer l'évêque par un mari cocu.
Plusieurs théories se disputent quant à l'origine du commanditaire de ce tableau:
⬪ Celle qui est traditionnellement identifié depuis le XIXe siècle, désigne le mystérieux commanditaire, comme étant Marie-François-David Bollioud de Saint-Julien (1713–1788), baron d'Argental et receveur général du Clergé.
⬪ Un doute a pu apparaître en raison de l'existence, à la même époque, d'un autre baron de Saint-Julien, Guillaume Baillet de Saint-Julien (1726–1796) qui fut collectionneur et critique d'art.
⬪ Si la première attribution prévaut généralement, elle pose cependant un problème dans la mesure où le très jeune homme représenté sous l'escarpolette ne semble pas pouvoir constituer un portrait crédible d'un baron de Saint-Julien âgé 54 ans au moment de la commande. C'est pourquoi le docteur en histoire de l'art, Catherine Baradel-Vallet, propose que ce mystérieux commanditaire soit non François de Saint-Julien mais son fils, Jean-Victor-François-Auguste de Saint-Julien (1749–1781), dont l'âge en 1767 s'accorde mieux à celui qu'on peut prêter au personnage du tableau et fournit une explication, inexpérience de la jeunesse aidant, à l'erreur initiale dans le choix du peintre pressenti.
Les Hasards heureux de l'escarpolette est exposé en permanence à Londres, à la Wallace Collection, depuis 1900.
Chez Disney aussi, ce tableau a été inspirant...
La Reine des Neiges de Chris Buck et Jennifer Lee (2013).
En effet, après un quart d'heure du film La Reine des Neiges, on voit la princesse Anna chanter et danser dans une salle du palais du royaume d'Arendelle où sont exposés des tableaux dont elle mime les représentations. Pour cette scène, les réalisateurs Chris Buck et Jennifer Lee ont intégré de nombreuses parodies de toiles de maîtres dont Les Hasards heureux de l'escarpolette.
La balançoire, c'est toujours plus drôle quand quelqu'un voit à quel point on monte haut. Peut-être même que ce n'est drôle que si quelqu'un nous regarde nous amuser. La vie, c'est pareil.
Alice Zeniter | Juste avant l'oubli
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