Le cocard
19 juin 2013Que peux-tu savoir de toi tant que tu ne t'es pas retrouvé au milieu d'une bagarre ?
David Fincher | Fight Club
The shiner de Norman Rockwell pour la couverture du Saturday Evening Post (1953).
Avenging Spider-Man #12 de Kuder et Shinik (Couverture de Shane Davis).
Dans le comic book Avenging Spider-Man #12 (Kuder et Shinik • Marvel) le cover artist Shane Davis parodie l'illustration The shiner de Norman Rockwell, faisant la Une du Saturday Evening Post du 23 mai 1953, sur la couverture de la BD. Ici, la fillette incarnée par Mary Whalen est remplacée par Wade Winston Wilson alias Deadpool et Peter Benjamin Parker alias Spider-Man.
The shiner se traduit en français par l'œil au beurre noir. Ce cocard donc, de Norman Rockwell peint en 1953, illustre la couverture du journal Saturday Evening Post du 23 mai. En bon peintre naturaliste de la vie américaine, Rockwell utilise des modèles pour ces œuvres. Ici, c'est la fillette Mary Whalen qui sert de modèle.
Mary Whalen est la meilleure petite fille que j'ai eue comme modèle, et je suis désolé qu'elle ait du grandir.
Norman Rockwell
Car effectivement, elle a aussi posé pour lui pour A day in the life of a girl (1952), Four seasons (1954) et Girl at the mirror (1994). Quant au proviseur, il s'agit de Don Trachte*, un confrère illustrateur de cartoon.
Dans le livre Norman Rockwell an The Saturday Evening Post Vol 3 -The later Years-, les auteurs racontent l'histoire de ce fameux cocard:
Tout ce que Norman Rockwell savait d'un œil au beurre noir est qu'il n'était pas noir, mais plutôt constitué d'une palette de couleurs alliant les bleu, vert, un peu de jaune, du violet, de l'orange, du magenta, etc... Il savait aussi qu'il était la conséquence, non d'un simple traumatisme, mais plutôt des complications d'un coup reçu. Il avait appris tout cela quand il essayait de peindre de mémoire un œil au beurre noir, mais il n'arrivait pas à représenter exactement celui-ci. Aussi décida-t-il de trouver comme modèle un gamin qui présentait cela. Il chercha dans son entourage habituel, mais n'en trouva pas. Ensuite, il contacta les hôpitaux locaux, mais aucun d'eux n'avait de cocard en stock.
Ayant été mis au courant de la recherche de Rockwell, un photographe de Pittsfield, Massachusetts fit paraitre une petite annonce dans le journal local pour trouver un cocard à photographier et en parla au peintre. Mais l'annonce avait été repérée par d'autres journaux et recopiée dans ceux-ci sur tout le territoire ! Et bientôt Rockwell commença à entendre parler de tous les yeux au beurre noir du pays... A tel point que le journal local -Berkshire Eagle- raconta l'histoire décrivant la quête de l'artiste pendant que le peintre offrait une somme de 5 dollars au porteur du bon cocard !
En réponse à l'annonce, le père d'une tribu de cinq enfants écrivit que pour cinq dollars, il voulait bien donner un cocard à chacun de ses enfants et qu'ainsi Norman pourrait faire son choix! Une autre réponse, venant d'un gardien de prison indiquait qu'il y avait eu une rixe dans sa prison et qu'il avait 400 cocards à disposition.
Et puis, à Worcester, dans le Massachusetts, un gamin prénommé Tommy, se prit deux cocards et son père, W.F. Forsberg l'amena directement chez Rockwell, dans le Vermont. Rockwell regarda les deux cocards, décida lequel était le plus beau, et le transféra sur le portrait de Mary Whalen, et la couverture était terminée !Donald et Marshall Stoltz | Norman Rockwell an The Saturday Evening Post
(*)Don Trachte (1915-2005) était un illustrateur, spécialiste des cartoons. Il avait créé un personnage nommé Henry. Il est aussi très connu pour avoir caché chez lui l'original de Breaking home ties, le célèbre tableau de Rockwell qui paru en couverture du Post daté du 25 septembre 1954, pour le soustraire à sa femme, avec qui il était en procédure de divorce. Il en avait fait une copie qui avait été acquise par le Musée Rockwell. A sa mort, ses enfants constatant des différences entre le tableau du musée et l'illustration parue en couverture du Post, se doutèrent de quelque chose et fouillèrent chaque pouce de la maison. Ils finirent par le dégotter derrière une fausse cloison. Il fut vendu aux enchères en 2006, pour la somme de 15,4 millions de dollars aux héritiers de Don Trachte, soit la somme la plus importante déboursée pour une œuvre de Rockwell. Don Tachte avait acquis le tableau en 1960 pour... 900 dollars !
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