Détour à l'atelier
03 août 2023Le féminisme, c'est ne pas compter sur le Prince Charmant.
Jules Renard | Journal
Autoportrait avec deux élèves d'Adélaïde Labille-Guiard exposé au Metropolitan Museum of Art (1785).
Détours au musée de Félix Meynet (Planche ?? + Exlibris)
Dans l'artbook Détours au musée (Meynet • Fabard Edition) Félix Meynet pastiche Autoportrait avec deux élèves d'Adélaïde Labille-Guiard sur une planche de son album. Ici, Adélaïde Labille-Guiard à un petit -je ne sais quoi- de Mirabelle de la série Double M (Meynet • Dargaud).
Adélaïde Labille-Guiard, dite aussi Adélaïde Labille des Vertus (1749-1803) était une artiste peintre, miniaturiste, et pastelliste française. Elle peint l'Autoportrait avec deux élèves en 1785. Le tableau la représente dans son atelier avec deux de ses élèves, Marie-Gabrielle Capet et Marie-Marguerite Carreaux de Rosemond.
L'artiste assise en costume de ville peint devant son chevalet, sous les yeux de deux de ses élèves debout derrière elle. Présenté en 1785 au Salon de peinture et de sculpture, il s'agit du premier portrait de groupe en pied de Labille-Guiard.
Au centre de la composition et en pleine lumière, Adélaïde est assise dans un confortable fauteuil, canne, palette et pinceaux à la main, face à un chevalet sur lequel est gravée sa signature (si si regarde bien) et qui supporte une grande toile dont on ne voit que le dos. Elle est vêtue d'une somptueuse robe à l'anglaise au large décolleté et coiffée d'un chapeau de paille à ruban et plumes – une tenue, certes considérée alors comme moderne et confortable, mais qui semble plus adaptée à un salon qu'à un atelier. Le buste tourné vers le spectateur, elle le fixe du regard avec assurance. Ses deux élèves amicalement enlacées, vêtues avec plus de simplicité et dont seules les chairs sortent de l'ombre, se tiennent debout derrière elle en une structure pyramidale dont elle forme la base.
Dans l'ombre, à l'arrière-plan du tableau, les œuvres de deux académiciens: le buste de son père, Claude Edme Labille, par Augustin Pajou (détail), également visible au Salon de 1785; ainsi qu'une sculpture de vestale, par Jean-Antoine Houdon (1741-1828), semblent placer Adélaïde dans une filiation, garants de sa légitimité et de sa moralité.
Cet autoportrait est révolutionnaire à plus d'un titre. De grande taille, il approche les dimensions de la peinture d'histoire, un genre interdit aux femmes car il impliquait l'étude du nu, jugée inconvenante. Par sa posture audacieuse, voire provocante, Labille-Guiard revendique le statut de professeur de peinture, un métier qu'elle exerce en pionnière.
Défenseur passionné de l'éducation artistique féminine, Labille-Guiard fait partie d'un petit groupe d'artistes qui militent pour les droits des femmes et tentent de réformer l'Académie en leur faveur: ils déposent en 1790 deux motions visant à supprimer le quota d'admission et à permettre aux femmes l'accès aux mêmes carrières que les hommes, notamment celle de professeur dans les écoles royales. Ces motions sont cependant rejetées et plusieurs de ses œuvres sont détruites par décret officiel. Son combat même s'il est interrompu par la Terreur, ouvre la voie à la professionnalisation des artistes femmes.
L'Autoportrait avec deux élèves, conservé par l'artiste, passe à sa mort en 1803 à son second époux, le peintre François-André Vincent, qui le lègue ensuite à son beau-frère Marie François Griois. L'œuvre demeure ensuite dans la famille Griois jusqu'en 1905, avant de passer dans les mains de différents collectionneurs. En 1953, le tableau est donné au Metropolitan Museum of Art à New York par Julia A. Berwind.
L'admission des femmes à l'égalité parfaite serait la marque la plus sûre de la civilisation, et elle doublerait les forces intellectuelles du genre humain.
Stendhal
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