Dernier rodéo
07 juil. 2025Tout hussard qui n'est pas mort à trente ans est un jean-foutre.
Antoine Charles Louis de Lasalle
La dernière charge du général Lasalle de Jean-Baptiste Edouard Detaille exposé au Musée de l'Armée de Paris (1912).
Ex-libris Détours au musée de Félix Meynet.
Avec cet ex-libris de l'artbook Détours au musée (Meynet • Fabard Edition) Félix Meynet pastiche le tableau La dernière charge du général Lasalle de Jean-Baptiste Edouard Detaille. Ici, le général Antoine Charles Louis, comte de Lasalle prend les traits de Tatiana k., l'héroïne de la série BD éponyme (Meynet et Corteggiani • Dargaud).
Nous sommes en 1912. La France, nostalgique des fastes du Premier Empire, raffole des grandes fresques historiques. Jean-Baptiste Edouard Detaille (1848-1912), alors au sommet de sa carrière, décide de rendre hommage à l'un des héros les plus flamboyants de Napoléon: le général Lasalle, mort à la bataille de Wagram le 6 juillet 1809. Le contexte ? Une époque où l'on aime se souvenir des gloires passées, où les musées et institutions militaires commandent des œuvres pour entretenir la mémoire nationale. Ce tableau, destiné au Musée de l'Armée à Paris, s'inscrit dans cette veine patriotique et commémorative.
Detaille, c'est un peu le Mozart du pinceau militaire. Formé à la dure école académique, il manie l'huile sur toile avec une précision quasi chirurgicale. Son style ? Un réalisme documentaire, une obsession du détail: chaque bouton d'uniforme, chaque reflet sur une lame, chaque muscle de cheval est scruté, étudié, rendu avec un soin maniaque. Pas de place pour l'à-peu-près: l'artiste multiplie les croquis préparatoires, consulte uniformes et reliques, et compose des scènes dynamiques, mais parfaitement lisibles.
La bataille de Wagram, qui s'est déroulée les 5 et 6 juillet 1809, est l'un des affrontements majeurs des guerres napoléoniennes. Opposant l'armée française de Napoléon Iᵉʳ à celle de l'archiduc Charles d'Autriche, elle mobilise près de 300 000 soldats sur la plaine du Marchfeld, au nord du Danube: un véritable choc de titans. Après deux jours de combats intenses, marqués par une utilisation massive de l'artillerie et des manœuvres d'envergure, Napoléon remporte la victoire, mettant ainsi fin à la Cinquième Coalition. Mais ce succès a un goût amer: les pertes sont énormes, avec environ 80 000 hommes hors de combat, dont le général Lasalle lui-même. Wagram reste donc dans l'histoire comme une victoire coûteuse, symbole à la fois de la puissance militaire française et du début d'un certain épuisement des troupes impériales.
La dernière charge du général Lasalle mesure 1,80 mètre de haut sur 1,60 mètre de large. La toile est composée de couleurs franches, des rouges et des bleus éclatants pour les uniformes, du métal brillant, des touches de lumière qui font vibrer la scène. Le tout sur un fond de plaine autrichienne, baignée d'une lumière dramatique. La composition est une diagonale dynamique, Lasalle au centre, lancé à l'assaut, entouré de ses cavaliers, dans un mouvement qui emporte tout sur son passage.
Au cœur de la toile, le général Lasalle (1775-1809), moustache au vent, sabre levé, incarne l'audace et la bravoure. Son cheval, tout aussi fougueux, semble bondir hors du cadre. Autour de lui, ses hussards, reconnaissables à leurs uniformes chamarrés, suivent la charge, visages tendus, regards fixés sur l'ennemi. L'arrière-plan suggère la confusion de la bataille, mais le regard du spectateur est immanquablement happé par la figure centrale de Lasalle, véritable héros romantique, prêt à entrer dans la légende... et dans la postérité picturale.
Ce tableau, c'est d'abord une célébration de l'héroïsme à la française. Lasalle y incarne le courage, la fougue, mais aussi la fatalité: on sait qu'il va mourir quelques instants plus tard. L'œuvre oscille entre glorification du sacrifice et regret d'un âge d'or disparu. Elle s'inscrit aussi dans une volonté de réhabiliter la mémoire militaire après la défaite de 1870, en rappelant que la France a aussi connu des héros et des victoires éclatantes. Le spectateur d'aujourd'hui peut y voir un hommage vibrant, mais aussi une vision idéalisée, presque mythique, de la guerre.
A l'époque de sa création, l'œuvre est saluée pour sa virtuosité technique et son souffle épique. Les amateurs de peinture militaire y voient un sommet du genre, tandis que certains critiques lui reprochent un académisme un peu figé, voire une vision trop héroïsée du combat. Aujourd'hui, la toile est reconnue comme un témoignage précieux de l'art militaire français, admirée pour sa rigueur et son énergie.
Que l'on soit un passionné ou un simple flâneur des musées, ce tableau de Detaille est une invitation à plonger dans l'épopée, à saluer le panache... et à méditer sur la frontière ténue entre héroïsme et tragédie. Que l'on soit un amateur d'histoire ou un simple curieux, La dernière charge du général Lasalle impressionne par sa capacité à faire revivre, l'espace d'un instant, la légende napoléonienne.
##002764##Il suffit d'un trait de plume pour créer un préfet, mais 20 ans pour un Lasalle !
Napoléon Bonaparte