His Airness & Mars Blackmon
30 oct. 2025N'ayez pas peur d'échouer. Ayez peur de ne pas essayer.
Michael Jordan
Photographie de Joe Pytka pour l'affiche publicitaire des Nike Air Jordan III (1988).
Do you Pooh ? de Marat Mychaels et Terry Sala (Couverture bis).
Dans le comic book Do you Pooh ? (Mychaels et Sala • Counterpoint) Marat Mychaels parodie la photographie de Michael Jordan et Spike Lee probablement prise par Joe Pytka pour une des affiches de la campagne de pub des Nike Air Jordan III de 1988 sur une des nombreuses couvertures alternatives de sa BD. Ici, Michael Jordan et Mars Blackmon incarné par Spike Lee sont remplacés par DeadPooh et Porcinet.
Cette version du comics a été publiée à 75 exemplaires seulement pour le New York Comic Con de 2022.
On ne va pas se mentir, cette photo est un classique. Pour en saisir toute la saveur, il faut remonter en 1988. D'un côté, Michael Jordan, pas encore la superstar planétaire qu'on connaît, mais déjà le joueur le plus électrisant de la NBA. De l'autre, Spike Lee, le réalisateur qui secoue Hollywood, dans la peau de son alter ego: Mars Blackmon. Personnage culte de son film, Nola Darling n'en fait qu'à sa tête (She's Gotta Have It en VO), Mars est un tchatcheur invétéré, fan des Knicks et surtout, complètement obsédé par ses baskets Air Jordan. Leur rencontre n'a rien d'un hasard. Ce cliché est la pierre angulaire d'une révolution marketing et culturelle, née d'une urgence: créer une campagne publicitaire inoubliable pour la Nike Air Jordan III.
Le contexte de 1988 est crucial ! Michael Jordan n'est pas totalement satisfait de ses premières collaborations avec Nike. La marque est sous pression et doit mettre le paquet pour ne pas voir la poule aux œufs d'or s'échapper. Ils font alors appel au designer de génie Tinker Hatfield pour créer une chaussure révolutionnaire, les Air Jordan III (la première avec la bulle d'air visible et le logo "Jumpman"). Mais une chaussure de légende a besoin d'une pub de légende. C'est là que l'agence Wieden+Kennedy a l'idée folle de faire appel à Spike Lee et à son personnage.
Les spots TV de cette campagne sont tout aussi mémorables que la photo. Réalisés par Spike Lee lui-même, ils mettaient en scène Michael Jordan et Mars Blackmon dans des face-à-face humoristiques. Mars, toujours à l'affût, tentait d'arracher à Jordan le secret de ses performances hors du commun, persuadé que tout résidait dans les chaussures. Ces dialogues vifs et décalés, la complicité évidente entre les deux protagonistes et le slogan "It's gotta be the shoes!" ont propulsé la campagne au rang de phénomène culturel, marquant durablement les esprits bien au-delà des terrains de basketball.
Le succès de la campagne pour les Air Jordan III a été si immense que Nike a continué la collaboration avec Spike Lee pour les modèles suivants. Le duo Jordan/Mars Blackmon est revenu pour les campagnes des Air Jordan IV, Air Jordan V et Air Jordan VI. Le principe restait le même: des spots pleins d'humour où Mars essayait par tous les moyens de comprendre le secret de Jordan. Blackmon posait la question que tout le monde se posait: "Mais comment tu fais ça, Mike ?". Et sa conclusion, devenue un slogan mythique, était toujours la même: "It's gotta be the shoes!" ("Ça doit être les chaussures !"). Cette collaboration a duré jusqu'en 1991 et a définitivement installé ce duo comme l'un des plus iconiques de l'histoire de la publicité.
Mais revenons à notre cliché du jour si génial... On a d'un côté la force tranquille de Jordan, le demi-dieu du sport, et de l'autre l'énergie chaotique de Mars, le mortel qui l'idolâtre. La différence de taille est exploitée à merveille. Pour la prise de vue, Spike est debout sur un réhausseur qui a été masqué sur le montage final (Voir photo ci-dessus). Le bras de Jordan posé sur la tête de Spike Lee est un geste à la fois protecteur et un peu condescendant, comme pour dire "calme-toi, mon grand". Avant cette campagne, Jordan était perçu comme une machine à gagner, un athlète presque inaccessible. En le mettant aux côtés de ce personnage comique, Nike lui a donné une personnalité, un sens de l'humour.
Il est difficile d'attribuer ce cliché à un seul photographe. Il s'agit d'un travail collectif issu d'une campagne publicitaire. Spike Lee lui-même réalisait les spots TV, imposant sa vision unique. La direction artistique de l'agence Wieden+Kennedy a joué un rôle clé dans la création de cette esthétique qui est devenue un standard dans le marketing sportif. Mais plusieurs sources semblent attribuer ce cliché au légendaire réalisateur publicitaire Joe Pytka sans pour autant l'affirmer.
Cette campagne est un coup de maître absolu. Elle a non seulement scellé durablement le partenariat entre Nike et Jordan (menant à la création de la marque Jordan Brand, qui pèse des milliards aujourd'hui), mais elle a aussi redéfini le marketing sportif. On ne vendait plus seulement un produit, on vendait une culture, une histoire... un duo comique.
On pourrait aussi dire que cette photo ancre définitivement le sport dans l'ère du consumérisme total, où l'athlète devient une marque à part entière. Mais peut-on vraiment le lui reprocher tant le résultat est iconique et a inspiré des générations de publicitaires et de fans ? Cette photo est bien plus qu'un simple outil promotionnel. C'est le point de rencontre entre le sport, le cinéma d'auteur, la mode et la publicité. C'est le cliché qui a fait de Michael Jordan une icône pop et a prouvé que, parfois, pour vendre des chaussures, il faut surtout une bonne dose d'humour et une histoire à raconter.
##002879##Il a marché sur mes Jordan blanches toutes neuves !
Mookie interprété par Spike Lee | Do the Right Thing