Tyler Kersey
22 déc. 2024Puisque la police est incapable de nous défendre, il faut le faire soit même !
Paul Kersey interprété par Charles Bronson | Un justicier dans la ville
Un justicier dans la ville de Michael Winner (1974).
Tyler Cross - Vintage and Badass de Brüno et Fabien Nury (Pages 68 et 69).
Dans le hors-série Vintage and Badass: Le cinéma de Tyler Cross (Brüno et Nury • Dargaud) Brüno Thielleux pastiche l'affiche du film Un justicier dans la ville de Michael Winner sur une planche de sa BD. Ici, on reconnaît bien la silhouette et la posture de Paul Kersey interprété par Charles Bronson le tout à la sauce Tyler Cross.
Un justicier dans la ville (Death Wish en VO) est un long métrage américain réalisé par Michael Winner. Le film est sorti dans les salles obscures le 24 juillet 1974. L'intrigue est inspirée du roman Death Wish de Brian Garfield publié en 1972.
Dans leur appartement, la femme (Hope Lange) et la fille (Kathleen Tolan) d'un homme d'affaires (Charles Bronson) sont violées, frappées et torturées par deux voyous. L'une meurt et l'autre est traumatisée par le cauchemar qu'elle vient de vivre. Le mari se transforme en justicier et, toutes les nuits, parcourt les rues de la ville afin de retrouver les coupables...
AlloCiné | Un justicier dans la ville
Avec Charles Bronson dans le rôle principal, Un justicier dans la ville a soulevé des débats enflammés sur la violence, la justice personnelle, et l'état de l'Amérique. Aujourd'hui encore, le film demeure un témoignage puissant d'une époque marquée par des tensions sociales et une crise morale profonde. Pour comprendre l'impact du film, il est essentiel de le replacer dans le contexte des années 70. Cette décennie voit l'Amérique traverser des bouleversements majeurs: enlisement au Vietnam, scandale du Watergate, montée en flèche de la criminalité urbaine, et désillusions de la contre-culture des années 60. Le cinéma de l'époque reflète ce désenchantement, produisant des œuvres où les héros ne sont plus des figures classiques d'espoir ou d'idéalisme, mais des personnages ambivalents, souvent en rupture avec la société.
Paul Kersey incarne parfaitement cette fracture. Architecte, il symbolise a priori l'équilibre et la création, mais se transforme en destructeur lorsqu'il commence à abattre des criminels. Ce changement reflète l'état d'une société qui, face à des institutions impuissantes, glisse dans un individualisme désabusé. A travers ce personnage, Winner illustre une Amérique en quête de réponses dans un contexte où les solutions collectives semblent inaccessibles. La transformation de Kersey est au cœur du film. Progressiste et pacifiste au début, il découvre une nouvelle facette de lui-même après l'agression de sa famille: un homme capable de violence pour imposer sa vision de la justice. Ce basculement est marqué par une scène clé où un client lui offre un revolver lors d'un voyage en Arizona, une région dépeinte comme un bastion sécuritaire où règne encore l'esprit des pionniers. Ce changement souligne un paradoxe central: Kersey se rebelle contre une société qu'il perçoit comme inefficace, mais son recours à la violence reflète une nostalgie des valeurs individualistes de la Conquête de l'Ouest. A New York, il devient une sorte de cow-boy urbain, appliquant la "loi du plus rapide" dans un monde où les règles sociales ont perdu leur sens. Cependant, contrairement à un héros classique de western, Kersey n'est pas auréolé de gloire ou de bravoure. Au contraire, sa descente dans la violence est montrée comme pathologique, presque autodestructrice. Dès son premier meurtre, il vomit, submergé par la culpabilité et l'adrénaline. Mais ce moment d'humanité s'efface rapidement. Winner pose alors une question cruciale: Kersey est-il un héros ou un monstre ? La réponse reste volontairement ambiguë. Si le film ne justifie pas explicitement les actes de Kersey, il ne les condamne pas non plus, laissant le spectateur se débattre avec ses propres dilemmes moraux.
Un justicier dans la ville n'est pas simplement un film sur un homme, c'est aussi un portrait sombre de l'Amérique urbaine des années 70. New York y est présentée comme une jungle impitoyable où règne une violence omniprésente. Cette représentation, accentuée par une photographie granuleuse et des décors oppressants, reflète les peurs d'une classe moyenne confrontée à l'insécurité croissante dans les grandes villes. Winner joue sur ces peurs tout en les exploitant pour questionner la société. Les criminels que Kersey affronte ne sont jamais caractérisés, ils sont réduits à des figures anonymes de violence. Pourtant, cette déshumanisation des "méchants" soulève un autre paradoxe: en se concentrant sur la vengeance aveugle de Kersey, le film évite d'aborder les causes structurelles de la criminalité, telles que la pauvreté et les inégalités. Cette omission alimente les accusations de "fiction réactionnaire" formulées par des critiques comme Roger Ebert, qui a qualifié le film de "quasi-fasciste". Cependant, le cinéaste ne se contente pas d'une approche unilatérale. Il intègre des éléments de satire pour souligner l'hypocrisie de la société. Par exemple, il montre comment les médias exploitent les actes de Kersey pour attirer l'attention, tandis que les autorités ferment les yeux sur ses meurtres parce qu'ils contribuent à une baisse apparente de la criminalité. Cette double morale reflète une société schizophrène, incapable de choisir entre ses idéaux de civilisation, et son désir de justice expéditive.
Une des clés de lecture du film réside dans son lien avec le genre du western. Comme dans les duels mythiques de l'Ouest, Kersey agit selon un code tacite: il laisse toujours ses victimes dégainer les premières avant de tirer. Cette posture lui confère une justification morale apparente, mais elle est aussi profondément hypocrite, car ses provocations rendent inévitables les confrontations. En ce sens, Kersey est moins un héros qu'un prédateur moderne condamné à affronter une violence sans fin.
Un justicier dans la ville explore également la nostalgie de l'Amérique pour une époque où chacun garantissait sa propre sécurité. Cette idée est incarnée par le personnage du promoteur immobilier rencontré en Arizona, qui vante les vertus de l'autodéfense armée. Ce discours reflète le repli réactionnaire de l'Amérique des années 70, où l'utopie collective des années 60 cède la place à une exaltation de l'individualisme. Kersey, en embrassant cette philosophie, devient une figure quasi-anachronique, un pionnier perdu dans un monde urbain.
Ce qui rend le long métrage si fascinant, c'est son caractère profondément contradictoire. D'un côté, le film semble cautionner la violence de Kersey, notamment par le charisme brut de Charles Bronson. De l'autre, il montre les limites et les dangers de sa croisade, en soulignant son isolement croissant et l'absurdité de sa quête. Cette tension se retrouve dans le plan final, où Kersey, expulsé de New York, fait semblant de viser des jeunes voyous avec ses doigts en forme de pistolet. Ce geste, à la fois sinistre et ironique, résume l'ambiguïté du film: Est-ce une promesse de nouvelles violences ou une critique amère de leur inutilité ?
En dépit de la polémique, le film est un franc succès au box-office. Naît alors la saga Death Wish. Charles Bronson reprend le rôle du justicier Paul Kersey pour 4 suites: Un justicier dans la ville n°2 (1982) et Le Justicier de New York (1985) toujours sous la caméra de Michael Winner, puis Le justicier braque les dealers de J. Lee Thompson (1987), et Le Justicier: L'Ultime Combat (1994) d'Allan A. Goldstein. Au fil des épisodes la saga s'essouffle, ainsi que le personnage, et cinématographiquement il n'y a plus grand chose à se mettre sous la dent.
Un remake de et avec Sylvester Stallone a longtemps été envisagé mais n'a jamais vu le jour. En 2012, un projet est relancé cette fois-ci sous la direction de Joe Carnahan avec une sortie prévue pour 2013. Death Wish sort finalement en 2018, avec Bruce Willis dans le rôle du justicier, sous la direction d'Eli Roth. Sans apporter de réelle innovation, le film reste un bon divertissement. Il marque surtout le dernier rôle notable et regardable dans la jusqu'alors excellente filmographie de Bruce Willis, atteint d'aphasie, une condition affectant ses capacités cognitives.
##002566##Si nous avons cessé d'être des pionniers, qu'est-ce que nous sommes devenus ? Comment peut-on qualifier des êtres humains confrontés à la violence et qui ne sont capables de réagir d'en prenant la fuite ?
Paul Kersey interprété par Charles Bronson | Un justicier dans la ville
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