Les anciens disaient "Les paroles s'envolent, les écrits restent", c'était d'autant plus vrai qu'ils écrivaient sur du marbre.

Philippe Geluck | Et vous, chat va ?

Le Baiser d'Auguste Rodin exposé Musée Rodin de Paris (1881-1882).
Le Baiser d'Auguste Rodin exposé Musée Rodin de Paris (1881-1882).

Le Baiser selon Félix Meynet.
Détours au musée de Félix Meynet (Planche de l'artbook).

Dans l'artbook Détours au musée (Meynet • Fabard Edition) Félix Meynet parodie le marbre Le Baiser d'Auguste Rodin sur une planche de l'album. Ici, le sculpteur Rodin est remplacé par Uma, l'héroïne de la série BD Les Eternels (Meynet et Yann • Dargaud) ; et le couple Paolo et Francesca s'embrassant par Mel et Mirabelle, les personnages principaux de la série BD Double M (Meynet et Roman • Dargaud).

 

Le Baiser (1881-1882) est une sculpture en marbre d'un couple enlacé qui s'embrasse, créée par Auguste Rodin (1840-1917) à la demande de l'Etat français pour l'Exposition universelle de Paris de 1889. Elle est exposée au Musée Rodin de Paris.

Le Baiser représentait à l'origine Paolo et Francesca, personnages issus de La Divine Comédie, poème de Dante Alighieri (1265-1321). Tués par le mari de Francesca qui les avait surpris en train de s'embrasser, les deux amoureux furent condamnés à errer dans les Enfers. Ce groupe, conçu tôt par Rodin, dans le processus créatif de La Porte de L'Enfer, figura en bonne place au bas du vantail gauche, face à Ugolin, jusqu'en 1886, date à laquelle le sculpteur prit conscience que cette représentation du bonheur et de la sensualité était en contradiction avec le thème de son grand projet.

Il en fit alors une œuvre autonome et l'exposa dès 1887. Le modelé souple et lisse, la composition très dynamique et le thème charmant valurent à ce groupe un succès immédiat. Aucun détail anecdotique ne venant rappeler l'identité des deux amants, le public le baptisa Le Baiser, titre abstrait qui traduit bien son caractère universel. L'État français en commanda une version agrandie en marbre que Rodin mit près de dix ans à livrer. Ce n'est qu'en 1898 qu'il accepta d'exposer ce qu'il appelait son « grand bibelot » en pendant de l'audacieux Balzac, comme pour mieux faire accepter ce dernier.

Extrait de la fiche du Musée Rodin de Paris

La méthode utilisée par Rodin pour faire ses sculptures de grande taille consiste à employer des sculpteurs-praticiens, qui réalisent à partir de la maquette en terre qu'il modèle, une ou plusieurs versions en plâtre à différentes échelles. Puis Le Baiser est réalisé en plâtre à l'échelle un (version du musée Rodin-Meudon, ou l'on peut voir les croix et repères des metteurs au points). Puis les assistants dégrossissent le bloc de marbre, avant d'être achevé et poli par des praticiens spécialisés: Turcan, Rigaud, et Dolivet. Rodin ne sachant pas tailler le marbre, lui-même, il accompagne le travail de ses assistants et peut à l'occasion le corriger voire intégrer des trouvailles de ses sculpteurs.

Cette méthode de travail a été très reprochée à Rodin, notamment par le critique d'art et collectionneur belge Léon Gauchez (1851-1911), connu aussi sous le nom de plume Paul Leroi.

Maints sculpteurs, de plus de célébrité que de talent, s'empressent de devenir ses clients assidus; parmi ceux-là il en est qui complètement incapables de s'attaquer au marbre, poussèrent le sans gêne jusqu'à livrer d'informes esquisses à M. Escoula; celui-ci prenant modèles, créa en réalité de toutes pièces des œuvres que ces impuissants signèrent sans vergogne de leur seul nom.

Léon Gauchez dit Paul Leroi

Avec cet extrait d'un article consacré au Salon de 1901, Gauchez célèbre très clairement sans donner de nom le talent du praticien, Jean Escoula, qu'il oppose à l'incompétence du sculpteur Auguste Rodin. C'est vrai que pour le coup, vu sous ce jour, c'est quand même assez fort de café !

Le marbre est le plancher des vivants et le toit des morts.

Philippe Bouvard

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